mardi 15 mars 2011

Winter's Bone

Rarement un film ne s'est approché d'aussi près de la frontière du désespoir.
Voici une histoire d'américains pauvres, située sur les marges d'une communauté éparpillée dans les bois du Missouri, jeunes mères, adolescents rattrapés par l'urgence de la survie, adultes prostrés ou épuisés, condamnés à expier indéfiniment leurs petits trafics, des histoires de drogue... la terre comme un enfer, sans espoir de rédemption. La musique apporte un peu de réconfort, parfois.

Voici donc un film chez les rednecks, les blancs misérables de l'Amérique, ceux chantés selon les époques par la country hillbilly, le folk de Woody Guthrie ou le rock de Bruce Springsteeen, et qui se battent pour garder la tête hors de l'eau et conserver un semblant de dignité. Un drapeau américain usé jusqu'à la corde flotte encore sur les maisons au bois vermoulu et à la peinture passée.



Ree Dolly (magnifiquement interprétée par l'actrice Jennyfer Lawrence) a 17 ans, elle veille seule sur son petit frère et sa petite sœur, dans une bicoque délabrée, unique vestige familial sous le toit duquel la fratrie se réfugie et se recroqueville, en cas de menace. A proximité, quelques bois prolongent la cour et le terrain de jeu ou fournissent un gibier braconné.

Sa mère est encore là mais elle est silencieuse, elle a décidé de s'extraire de ce monde, elle ne compte plus. Son père est un dealer de méthadone qui a "fait des conneries". Il est en fuite, ou bien déjà mort. Il importe peu que son sort soit déjà scellé et qu'il ait disparu sans laisser la moindre trace, car ici chacun préfère garder le silence et ne pas s'exposer.

Cependant le destin de Ree Dolly et de sa famille repose encore sur ce père absent. Elle doit prouver son existence ou donner un témoignage de son cadavre aux usuriers qui menacent de saisir la maison familiale mise en gage. La lutte pour la survie réanime alors les vieux réflexes de solidarités et d'humanité, certains liens du sang oubliés, et Ree impose son énergie vitale aux adultes enfoncés dans leurs silences et leur léthargie. Elle se bat, insulte, prend des coups, ignore les menaces, s'en va en guerre...

C'est aussi une histoire de l'hiver américain, aux images bleutées, parsemé parfois de gouttelettes d'un souffle embué ou de la chaleur exhalée par les créatures, animaux et humains confondus dans un même concert naturel. Pour Ree Dolly, le monde s'est enfoncé dans un hiver sans fin. Mais elle saura briser la surface des éléments et des êtres pour sauver les siens.

Un magnifique film noir.


1 commentaire:

  1. Merci pour le rappel... j'ai failli passer à coté et c'eut été dommage !
    Vu vendredi et c'est un belle pépite bien noire.

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