mardi 2 mars 2010

Yella (du réalisateur allemand Christian Petzold)

Depuis les années 90, le cinéma allemand fait preuve d'une grande vitalité et une génération entière de réalisateurs s'est positionnée comme témoin des mutations opérées par la réunification de leur pays. Ces cinéastes traduisent ainsi en images les bouleversements qui animent en profondeur la société allemande.

Parmi les artistes de cette "nouvelle vague", Christian Petzold a commencé à se faire connaître sur la scène internationale au début des années 2000 (il se rattache à un collectif dénommé "l'école de Berlin"). L'esthétique de ce cinéaste, souvent nourrie de la beauté épurée des paysages naturels (les cours d'eau, la côte Baltique), se marie avec une exploration critique du contexte social dans lequel se meuvent ses personnages. Le sublime et la lumière côtoient donc, à l'autre bout du spectre d'un même scénario, des paysages urbains déshumanisés, ces mêmes univers qualifiés de "non-lieux" par l'anthropologie contemporaine : parkings, hôtels d'étapes, complexes commerciaux, immeubles de bureaux, frontières, toutes zones fonctionnant comme des refuges provisoires et peu fiables, où se déroulent les actions de personnages en transit.



Dans le présent long métrage, sorti en 2009, on retrouve les thèmes chers au cinéaste. L'héroïne, Yella, quitte sa petite ville d'Allemagne de l'Est pour fuir un mariage raté et tenter un nouveau départ de l'autre côté de l'Elbe, à l'ouest. Mais la clé de cette vie nouvelle, un travail lui garantissant son autonomie, disparait à l'instant où l'entreprise censée l'embaucher se volatilise sous les coups de ses créanciers. Déjà, Yella se trouve en prise avec un monde fantomatique et la fuite ne mène nulle part : au mieux dans des jeux de rôle et d'argent en compagnie d'un businessman compagnon de fortune, au pire dans les réminiscences d'un passé qui la traque.

Christian Petzold s'inscrit ici comme un auteur inspiré par le désenchantement du monde, filmant avec lucidité des personnages dénués d'idéalisme, sans passion, en dehors de l'excitation procurée par le jeu avec l'argent. Mais le cinéaste est aussi créateur d'images et il arrive à transpercer la gangue de la rationalité économique en faisant régulièrement basculer son héroïne dans des scènes oniriques. Cette intrusion de scènes fantastiques, rêves angoissants, ne change pas le monde de Yella (mais peut-on changer un monde éteint). Cependant, il bouscule la dictature de la rationalité et de l'enfermement dans le présent.

Picou

Un film à découvrir dans un coffret acquis ce mois-ci par la médiathèque et qui comprend également un autre long métrage de Christain Petzold, "Jerichow".

Et ci-dessous, la bande annonce visible sur le web, mais en VO non sous-titrée malheureusement.


Yella Bande annonce

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