On commence par Vîrus, saison oblige, et sa trilogie en forme de calendrier :
Sauf que le 15 août de Vîrus, c'est pas vraiment coquillages et crustacés mais plutôt constat désolant et déprime carabinée.
Attention aux personnes un peu sensibles, les paroles sont crues et on pourrait facilement accuser le rappeur de misogynie, mais ça tient surtout d'une misanthropie généralisée.
Vîrus propose un flow bizarre, pas grandiose pour deux sous, plutôt du genre à ruminer son humilité. Sauf que le ton est juste et parle directement à l'auditeur, comme si le MC ne voulait surtout pas s’embarrasser de fioritures et aller directement là où ça l'intéresse. Et ce qui l'intéresse Vîrus, c'est de dire ce qu'il a sur la conscience et surtout de le dire bien. On est légèrement pris de vertige par les pirouettes qu'il fait subir à la langue à chaque vers. Morceaux choisis :
"C’est dimanche, il pleut ; voilà ce qui peut t’arriver en plein mois d’aoûteux… "
"L’ère adulte me fait jouer avec les mots / Si ta maîtresse cherche l’époux, fais-toi la boule à zéro / J’ai été fou, offrez-moi une boîte de Lego / Que j’m’amuse plutôt que d’aller faire mes devoirs conjugaux"
Et ça n'arrête pas, à chaque titre c'est une avalanche d'images frappantes et de punchlines chirurgicales. On pourrait presque lui reprocher l'exercice de style mais ce serait cracher dans la soupe non?
Le producteur s'appelle Banane (ces gars ont le sens de l'humour) et l'univers est très adapté à la noirceur de la plume. Des extraits de films et d'émissions télé jalonnent les morceaux. il n'est pas rare que des rappeurs utilisent le procédé pour un rendu souvent intéressant et des références parfois inattendues. Au final une production discrète qui laisse la part belle aux paroles. On pense à Orelsan, un Orelsan pour adulte, enfin sorti de l'adulescence, même si Vîrus affirme en être encore (L'ère adulte).
Le clip de Saupoudré de vengeance, extrait de l'album 15 août :
Le petit plus de Vîrus c'est la distance. Il dénonce et balance mais sans être dupe du petit jeu auquel il joue et de sa propre appartenance à ce système qu'il exècre :
"Déjà que petit, j’esquivais la piscine / J’avalais le verre d’eau mais pas le cachet d’aspirine / Et les speakerines de la télé me regardaient, ont forgé mon esprit critique : j’parlais pas… / Imagine le chemin jusqu’à faire un morceau egotrip / Ma noirceur se voit pas tout de suite comme chez les gothiques"
ou encore le morceau Tu reluttes? (on apprécie déjà le jeu de mot) dans lequel le rappeur s'en prend aux mauvaises surprises du téléchargement et finit par dire :
"Télécharge VÎRUS, tombe sur un film de *** / Attends mon skeud à la Fnac… V’là les affiches de pub"
On salue l'honnêteté, Vîrus tire sur tout ce qui bouge et finit par pointer l'arme contre lui, un héroïsme kamikaze.
Un mot sur le concept, chacun des mini-albums est composé de 4 titres et les album sont téléchargeables librement sur le site Rayon du fond. Ça aussi c'est frais.
On a découvert Vîrus ici, sur l'excellent site abcdr du son, véritable bible de l'amateur de rap internaute à la recherche de la dernière pépite. Les interviews sont longues et intelligentes, tous les styles sont balayés et les chroniques sont de grandes qualité.
La prochaine découverte sera plus festive, on s'y engage!
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